Voici un article que j'ai trouvé qui date de 2006:
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Dorian Gray, portrait caché
Paru le Vendredi 09 Juin 2006
MATHIEU CUPELIN
POP - Un mystérieux Genevois livre un premier album tout en clairs-obscurs. A découvrir sur les ondes et au Festival de la Terre à Lausanne.
D'une main lourdement baguée, il remue délicatement une cuillère dans sa tasse. Dorian Gray, tout de noir vêtu, a commandé «un thé au lait, avec du vrai lait, pas de la crème à café». Avec son regard fardé, d'un bleu presque transparent, sa gestuelle et son langage un brin précieux, on imagine sans difficulté le dandy androgyne dans le frac du héros ambigu et sulfureux d'Oscar Wilde, dont il a repris le nom. On l'aurait bien vu dans quelque club londonien d'une fin de XIXe siècle décadentiste. Sa destinée a voulu qu'il nous fixe rendez-vous dans un bar branché de Plainpalais, où il aime retrouver quelques amis en soirée. En soirée, c'est-à-dire avant ses longues nuits de composition dans le studio de 9m2 où il a élaboré son premier album, intitulé «Hurt By The Moon». Un opus pop-rock, dense, mélancolique et raffiné, dont la veine et la charge émotionnelle évoquent Muse ou Jeff Buckley.
Sous le pseudonyme Dorian Gray se cache avant tout un mystère. Intarissable sur son disque, l'homme veut garder une large cape d'ombre sur son personnage d'artiste, son parcours. Et son âge? Comme dans le roman fantastique de l'écrivain anglais, les traits de Dorian, qui confesse pourtant un long passé musical sous des appellations et des fortunes diverses, semblent échapper aux stigmates du temps. Et puis ce trilingue est-il bien Genevois? Et comment, batteur à l'origine, a-t-il pu à lui seul écrire, composer, interpréter, produire et mixer l'ensemble des titres?
Muse destructrice
Une seule certitude: «Hurt By The Moon» est le grand oeuvre d'un alchimiste allergique et insensible à toute drogue, sauf à la plus puissante: l'amour. «Une muse a entièrement inspiré l'album», raconte Dorian Gray. En partie par sa présence rayonnante aux côtés de l'artiste, son soutien indéfectible, ses conseils précieux. Mais surtout par la brusque rupture qu'elle lui a infligée, transformant le musicien en un malade inconsolable, traînant un spleen comateux dont il commence seulement à émerger.
Le gouffre insondable de cette douleur filtre au travers de 14 titres qui ruissellent sur l'âme comme une fine pluie d'orage, chaude et organique, qui la fendent comme un long cri primal aux modulations extrêmes. Une voix au spectre impressionnant, tour à tour portée aux nues et plongée dans de graves abîmes, sert de fil conducteur à cette symphonie crépusculaire où s'embrassent des rideaux de guitares brumeuses et de batteries puissantes.
L'urgence du propos, les refrains enlevés, les envolées lyriques hantent longtemps après le dernier arpège retombé. A l'image du somptueux et enveloppant «Forever more», déjà diffusé sur plusieurs radios romandes, dont Couleur3. Ou encore de l'accrocheur «Back To Tears». Ce titre, qui ouvre l'album, a atteint la première place parmi 40'000 entrées estampillées «pop» sur le site américain soundclick.com, l'un des plus importants portails musicaux au monde.
Ambition affichée
On compare sa musique à Radiohead et à Muse: Dorian Gray, également rapproché du chanteur de Placebo pour son physique troublant, ne rejette pas ces comparaisons mais dit ne posséder aucun disque de ces formations. Ses influences remontent plus loin, à Genesis, Pink Floyd ou encore Sense Field. Nourri à l'école des grands mélodistes anglo-saxons, il est très attaché à la qualité de la composition d'un titre. «A l'heure actuelle, des groupes comme Coldplay ou Keane sont les dépositaires de ce sens aigu de la mélodie.»
Ce romantique torturé n'hésite pas à afficher de grandes ambitions. Stigmatisant le syndrome du «musicien honteux» propre à nos contrées, Dorian Gray vise clairement une carrière à l'échelle internationale. Son disque a trouvé sans difficulté un distributeur pour la Suisse. L'Allemagne pourrait suivre bientôt. Les premiers concerts vont s'enchaîner, dont un passage avant Mich Gerber au Festival de la Terre, le 24 juin à Lausanne. Tout cela alors que Dorian Gray a choisi la voie de l'autoproduction. Il a entièrement financé son disque, qu'il a ensuite fait connaître au prix d'un intense travail nocturne de promotion au travers d'Internet.
Note : > Dorian Gray, Hurt By The Moon, distr. RecRec. > En concert les 10 et 11 juin à l’Esprit Frappeur, Lutry (
www.espritfrappeur.ch) et sa 24 juin à l’Esplanade du Flon, Lausanne (
www.festivaldelaterre.ch)http://www.lecourrier.ch/index.php?name=NewsPaper&file=article&sid=41617